Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/233

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leur serait vraiment très bon, leur assurerait très bien le genre de bonheur et de bien-être social qui a leurs préférences. — Ceci encore que les femmes, plus même que les hommes, ont besoin de moralité, ont besoin que le faible soit tenu pour sacré et le fort tenu pour suspect, et que le fort soit suspect à lui-même, bridé de scrupules, entravé et étouffé de conscience, hésitant sur son droit et rougissant de sa force même.

Ainsi armé, le Christianisme a vaincu le vieux monde et persuadé à l’humanité qu’elle devait être médiocre, basse, assez laide, non dirigée par les forts, les courageux et les intelligents, non illustrée et noblement enivrée par les artistes ; mais dirigée par ceux qui jeûnent et qui prient, et pleine de mépris pour les hommes qui ont le sens du beau.

Les forts, les courageux, les intelligents et les artistes n’abdiquent jamais, ou, tout au moins, ne donnent jamais leur démission et ils ont plus tard repris en partie leurs positions dans le Christianisme même, prêtres, évêques, papes, prédicateurs, fondateurs d’ordre, peintres, sculpteurs, architectes ; mais l’esprit du Christianisme est resté longtemps ce que nous venons de dire et il ne s’est jamais entièrement aboli ni même considérablement modifié et cela a eu de grandes conséquences, comme nous verrons.