Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/234

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L’empire romain, énervé et désorganisé dans le sens précis du mot, miné dans son organisme par un certain nombre de causes diverses, mais surtout par cet esprit du Christianisme, sur quoi il ne se trompa point du tout, comme le prouvent les persécutions par où il essaya de se défendre, devint la proie assez facile des Barbares. Les Barbares n’étaient ni intelligents ni artistes ; mais ils étaient courageux et forts, et organisés selon la force, et sans aucun esprit de faiblesse dans leur institution ni dans leurs mœurs. Ils furent vainqueurs.

Ils furent vainqueurs ; mais le Christianisme les séduisit et les captiva, les domestiqua. Comment put-il bien faire ? Nietzsche signale le fait, s’en étonne et ne l’explique pas : « Une religion nihiliste, sortie d’un peuple fatigué et suranné, ayant survécu à tous les instincts violents conformes à ce peuple — transportée peu à peu dans un autre milieu, pénétrant enfin parmi les peuples jeunes qui n’ont pas encore vécu du tout[1], comme cela est singulier ! Un bonheur du déclin et du soir, un bonheur de bergers, prêché à des Barbares, à des Germains ! Combien il fallut d’abord germaniser et barbariser tout cela ! À ceux qui avaient rêvé d’un

  1. Souligné par Nietzsche, peut-être comme explication (?).