Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/288

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par la persévérance et l’illimitée volonté de puissance, elle existera : les éléments en existent ; dans le monde de la science, dans celui des inventions, dans celui des explorateurs, dans celui des artistes, on en voit à chaque instant des exemplaires ; le mouvement démocratique, comme nous venons de le voir, en retarde et prochainement en hâtera l’éclosion, et il trouvera dans cette naissance sa « justification » et la preuve qu’il peut servir à quelque chose ; elle existera s’il est vrai, ce que l’histoire semble prouver, que l’humanité ne se désorganise jamais que pour se réorganiser à nouveau et s’il est vrai que le plébéianisme, forme précise de la désorganisation sociale, ne peut que présager, conditionner et même produire une réorganisation nouvelle.

Arrivé à cette affirmation, Nietzsche s’est aperçu qu’à partir du moment où il a affirmé quelque chose, il n’a plus été, peut-être, l’immoraliste qu’il a cru être, l’anarchiste qu’il a cru être, ni même l’antireligieux qu’il a cru être. Il s’est aperçu que peut-être il n’a, comme quelques autres, que rêvé une morale, une sociologie et même une théodicée, seulement une morale particulière, une sociologie qui lui était propre et une théodicée originale. Un peu trop orgueilleux pour en convenir, il s’est ingénié à poser la question un peu autre-