Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/289

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ment, à donner à la chose un autre nom, et à avouer qu’il était moraliste, sociologue et théologue, sans le reconnaître. Il n’a pas voulu dire : « Oui, j’en conviens, j’ai une morale, une sociologie et une théodicée, à ma manière » ; et il a dit : « J’ai une morale par delà la morale, une sociologie par delà la sociologie, une théodicée par delà la théodicée ». Au fond c’était à peu près la même chose ; mais l’amour-propre était sauf.

Il est certain que Nietzsche a été séduit par son invention des par delà (Jenseits) et qu’il a voulu en faire toute une théorie couronnant son œuvre et l’embrassant et l’harmonisant et en conciliant peut-être les contradictions, et en faisant un système lié. Seulement le temps ne lui a pas permis de mettre au point cette théorie qui eût été une sorte de méthode de conciliation par surélévation, une sorte de méthode de conciliation parle sublime et qui aurait consisté à dire : Vus de très haut, les contraires, non pas se concilient, mais disparaissent, ou, si l’on veut, se concilient dans l’anéantissement. Au delà et au-dessus de l’optimisme et du pessimisme il n’y a plus ni optimisme, ni pessimisme, il y a… Au delà et au-dessus de la morale et de l’immoralisme, il n’y a plus ni moralité ni immoralité, et ces noms disparaissent, il y a… » et ainsi de suite.

Ceci est la dernière pensée de Nietzsche, son