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apollinien et de l’état dionysiaque qu’ils doivent réaliser sur la terre. Par la tragédie olympienne les Olympiens disent aux hommes : soyez olympiens. Vie et beauté dans le ciel, vie et beauté sur la terre ; vie et beauté céleste enseignée par la tragédie à la terre.

— Mais n’est-ce pas mettre beaucoup de choses dans la tragédie grecque, et les Athéniens cherchaient-ils autre chose dans la tragédie que l’occasion de se rassasier de larmes, comme parle Homère, et de satisfaire leur sensibilité ?

— Non pas, répond Nietzsche, et il suffit de lire aussi bien Platon qu’Aristote pour voir comment les Grecs entendaient la tragédie, au fond, même quand ils n’étaient pas d’accord. Platon chasse les poètes de la République parce qu’il craint qu’ils n’efféminent par la sensiblerie la race forte et joyeuse. Aristote, toujours en contradiction avec Platon, défend la tragédie en assurant qu’en appliquant la sensibilité des auditeurs à des choses fausses elle les « purge » de cette sensibilité et les rend à la vie énergiques, joyeux et forts. Et c’est-à-dire que tous les deux veulent une race énergique et amoureuse de la vie et entendent bien qu’il ne faut pas que l’art l’alanguisse et la détende.

Et, au delà de Platon et d’Aristote, pour employer une formule nietzschéenne, Nietzsche dit davan-