Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/290

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rêve suprême, non pas qu’il l’ait fait chronologiquement en dernier lieu, et il semble en avoir été préoccupé de très bonne heure, et cela semble même comme un des plis de son esprit ; mais je veux dire que c’était ce qu’il se réservait toujours d’établir et d’exposer systématiquement pour terminer et clore son œuvre.

Cela est resté confus, esquissé seulement ici et là, et je ne puis qu’en donner les lignes indécises telles qu’on les trouve éparses dans les ouvrages divers de notre auteur.

Examinant deux catégories de « négateurs de la morale », Nietzsche, par exemple, dira ceci : « Il y a deux espèces de négateurs de la moralité. Nier la moralité, cela peut vouloir dire : 1° nier que les motifs éthiques que prétextent les hommes les aient vraiment poussés à leurs actes. Cela équivaut donc à dire que la moralité est affaire de mots et qu’elle fait partie de ces duperies grossières ou subtiles (le plus souvent duperie de soi-même) qui sont le propre de l’homme, surtout peut-être des hommes célèbres par leurs vertus. 2° Et ensuite nier que des jugements moraux reposent sur des vérités. Dans ce cas l’on accorde que ces jugements sont vraiment les motifs des actions ; mais que ce sont des erreurs, fondements de tous les jugements moraux, qui poussent les hommes à des actions