Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la morale de Tropmann ». Une morale de maîtres, une morale d’esclaves est une conception vraiment grossière, je veux dire sans nuances, primitive, sentant le régime des castes, ne tenant pas compte des multiples différences de degré entre les hommes.

La vérité, c’est qu’il y a des morales très nombreuses, multiples et multipliées et qui ne se ressemblent pas. À mesure qu’on monte du plus bas au plus haut de l’humanité, on exige tout naturellement des hommes des choses que l’on n’exigeait point tout à l’heure, et aussi, je le reconnais, on n’exige plus certaines choses que tout à l’heure on exigeait.

Qu’un homme, qui ne rend à ses semblables que le minimum de services, soit dur pour ceux à qui il peut faire sentir sa rudesse, soit dissolu dans ses mœurs, etc., on est sévère pour lui.

Qu’un homme soit intelligent, bien doué, actif, on exige de lui qu’il rende des services à la communauté, qu’il ne soit pas oisif, d’abord, qu’il ne se contente pas, non plus, de gagner sa vie et de faire fortune ; on veut qu’il fasse quelque chose pour le bien commun et l’on considère que c’est son devoir, et il en a conscience lui-même. En revanche, on sera indulgent à quelques faiblesses sensuelles de sa part ; on ne lui en voudra pas de s’offrir un bon