Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il revient souvent sur cette crise et il cherche à l’expliquer, et il cherche surtout à expliquer cette ancienne erreur dont il se flatte si fort d’être revenu ; car quelque courage que l’on ait ou que l’on mette à proclamer qu’on s’est trompé, encore aime-t-on toujours à montrer qu’on avait quelques bonnes raisons de se tromper et que par conséquent, tout en se trompant, on n’était pas si loin d’avoir raison. Il a expliqué son pessimisme-romantisme par l’instinct dionysiaque fourvoyé, par l’instinct dionysiaque latent en lui, mais existant en lui et ne se trompant qu’en prenant pour une manifestation de lui-même ce qui ne l’était pas. Demi-erreur, qui eût pu mener déplorablement loin ; mais demi-erreur. De même en effet que les Grecs, au sein même de leur optimisme, admettent un pessimisme d’art qui ne sert qu’à renforcer peut-être, à coup sûr qu’à stimuler et aiguillonner leur optimisme fondamental, comme nous l’avons expliqué plus haut, de même on a pu se tromper sur le pessimisme allemand de 1860 et le prendre pour quelque chose d’analogue au pessimisme d’art des Grecs, pour quelque chose qui fût auxiliaire de l’optimisme et même fonction de l’optimisme.

C’est l’erreur que croit avoir faite Nietzsche et c’est dans cette mesure seulement qu’il se flatte d’avoir erré : « Je considérais… le pessimisme phi-