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celui-là, quelquefois deux ou trois ensemble, en un combat incessant de tirailleur et de batteur d’estrade. Il a fait la critique des obstacles, c’est-à-dire il s’est attaché à montrer l’inanité, la puérilité, l’absurdité ou la malfaisance de tout ce qui, dans les institutions humaines et dans les opinions humaines, contrariait ou contredisait l’optimisme, empêchait l’homme de vivre en liberté, en gaîté, en force, en héroïsme et en beauté.

Ces obstacles, bien entendu, sont innombrables, et nous n’envisagerons avec lui que les principaux.

Un premier obstacle, intérieur en quelque sorte, est la timidité de l’homme dans la recherche de la vérité, la timidité de l’homme, en face de la connaissance à démêler, à surprendre, à saisir, à conquérir. Nous ne sommes pas des penseurs loyaux. Nous avons peur de la vérité, peut-être haine pour la vérité, comme a dit Pascal. La connaissance nous fait peur et nous ne l’abordons pas avec probité. C’est que nous savons qu’elle a ses dangers. Certainement elle les a. Elle a des dangers en proportion de ses plaisirs. On pourrait écrire une histoire qui n’a jamais été écrite, l’histoire du Don Juan de la connaissance. Ce ne serait pas l’histoire de Montaigne, de Sainte-Beuve ou de Renan ; ni l’un ni l’autre n’ont été jusqu’au dernier chapitre. L’his-