Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/53

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toire complète du Don Juan de la connaissance serait celle-ci : « Il lui manque l’amour des choses qu’il découvre ; mais il a de l’esprit et de la sensualité et il jouit des chasses et des intrigues de la connaissance, qu’il poursuit jusqu’aux étoiles les plus hautes et les plus lointaines [c’est ici que s’arrête l’histoire de Montaigne, de Sainte-Beuve et de Renan] — jusqu’à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et de l’eau forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’enfer ; c’est la dernière connaissance qui le séduit. Peut-être qu’elle aussi le désappointera comme tout ce qui lui est connu. Alors il lui faudrait s’arrêter pour toute éternité ; cloué à la déception et devenu lui-même l’hôte de pierre, il aura le désir d’un repas du soir de la connaissance, repas qui jamais plus ne lui tombera en partage ! Car le monde des choses tout entier ne trouvera plus une bouchée à donner à cet affamé. »

On comprend donc bien cette crainte de la déception qui arrête l’homme au commencement même de la recherche personnelle du vrai. On retrouve ici la lâcheté générale de l’homme. Mais il ne faut pas être lâche et il ne faut pas craindre la défaite, car craindre la défaite, ceci même est une