Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/74

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qu’elle est portée naturellement à s’élancer et se déployer.

Ceux-là donc se trompent qui sont portés à croire que le besoin de croire est une forme du besoin d’agir. Le besoin de croire est une forme du besoin de se reposer, tout au moins de se reposer sur quelque chose : « On mesure le degré de force de notre foi — ou plus exactement le degré de sa faiblesse — au nombre des principes que notre foi ne veut pas voir ébranlés parce qu’ils lui servent de soutiens[1]… L’homme est ainsi fait : on pourrait réfuter mille fois un article de sa foi, en admettant qu’il en eût besoin il continuerait toujours à le tenir pour vrai… Ce désir de la certitude… est, lui aussi, le désir d’un appui, d’un soutien, bref cet instinct de faiblesse[2] qui, s’il ne crée pas les religions, les métaphysiques et les principes de toute espèce, du moins les conserve. C’est un fait qu’autour de tous ces systèmes positifs s’élève la fumée d’un certain assombrissement pessimiste, soit fatigue, soit fatalisme, soit déception ou crainte de déception nouvelle, ou bien encore étalage du ressentiment, mauvaise humeur, anarchisme exaspéré [anarchisme intérieur, impuissance à se gouverner soi-même qui s’irrite ?], ou enfin symptômes, quels qu’ils

  1. Souligné par Nietzsche.
  2. Id.