Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soient, du sentiment de faiblesse ou mascarades résultant de ce sentiment… La foi est toujours plus demandée, le besoin de foi est toujours plus urgent, à mesure que manque la volonté… d’où il faudrait peut-être conclure que les deux grandes religions du monde, le bouddhisme et le christianisme, pourraient bien avoir trouvé leur origine et surtout leur développement soudain dans un énorme accès de maladie de la volonté. »

Il faut remarquer ceci, qui est bien confirmatif de ce qui précède. De ce que l’homme est ordinairement en un certain état de faiblesse, il s’ensuit que même ses états de force, ses moments de santé et d’énergie lui inspirent la croyance en Dieu. L’homme pénétré de sa faiblesse recourt à Dieu ; mais l’homme étonné de sa force, quand il lui arrive d’en avoir, l’attribue à Dieu : « Les états de puissance inspirent à l’homme le sentiment qu’il est indépendant de la cause de ces états, qu’il en est irresponsable : ils viennent sans qu’on les désire, donc nous n’en sommes pas les auteurs. La conscience d’un changement en nous sans que nous l’ayons voulu exige une volonté étrangère. L’homme n’a pas osé s’attribuer à lui-même tous les moments surprenants et forts de sa vie ; il a imaginé que ces moments étaient passifs, qu’il les subissait et en était subjugué… et il a ainsi fait