Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/77

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rante ils font une règle (pratiques, observances, rites), chose secondaire, importante pourtant ; car ce qu’on fait parce qu’on a l’habitude de le faire ennuie ; ce que l’on fait parce que c’est la règle et le devoir plaît et même réconforte (couvents). Le rite supprime l’ennui, en donnant une dignité aux choses ennuyeuses.

Ils divinisent la vie ordinaire d’un peuple. Ils persuadent à un peuple que sa vie ordinaire a un sens, et un beau sens, un sens divin, un sens mystérieux, agréable à une puissance supérieure et voulu par elle.

Les juifs sont un peuple de pillage et de rapine. Cette vie ne lui plaît pas tous les jours. Un homme vient lui dire qu’il y a un Dieu qui n’aime qu’eux, qui déteste tous les peuples qui ne sont pas eux, et qui se plaît à voir les autres peuples pillés, trompés et ravagés par eux. Immédiatement la vie de ce peuple prend un sens, et un beau sens, et devient un bien, un bien moral, un idéal, pour lequel on est prêt à sacrifier sa vie, en tout cas quelque chose de beau qui ne peut plus dégoûter ni fatiguer, ni passer pour vain. Cet homme, qui a dit cela à ce peuple, a transposé, a surélevé un instinct de ce peuple, de sorte que ce peuple dans la pensée de cet homme se retrouve d’abord, ce qui est nécessaire ; et se retrouve plus beau, se retrouve en beauté, ce