Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/78

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qui a des conséquences extraordinaires pour son bien-être moral et pour son bonheur.

À ce même peuple, mais fatigué et languissant, épuisé par de longues guerres intestines, et à quelques autres peuples aussi, un autre homme vient vanter et louer comme divine, quoi ? leur vie même, leur petite vie humble et basse ; il l’interprète en beauté ; « il trouve autour de lui la vie des petites gens des provinces romaines : il l’interprète, il y met un sens supérieur et par là même le courage de mépriser tout autre genre de vie, le tranquille fanatisme que reprirent plus tard les frères Moraves, la secrète et souterraine confiance en soi qui grandit sans cesse jusqu’à être prête à surmonter le monde. »

Bouddha trouve autour de lui, quoi ? Disséminés un peu dans toutes les classes de son peuple, des hommes bons, bienveillants, paresseux et mous. Il ne leur persuada rien du tout, si ce n’est ceci que la paresse est un état supérieur, un état divin, que l’aspiration au repos et au néant est la plus haute pensée du monde et que Dieu n’en a pas d’autre. De la vis inertiæ il fait une foi. — Et c’était un trait de génie que d’avoir eu cette idée si simple. Et, en effet, c’était comprendre des gens qui ne se comprenaient pas. « Pour être fondateur de religion, il faut de l’infaillibilité