Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/97

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tage de la civilisation quelque chose de mesquin et de fou. »

Le Christianisme a donc renouvelé la nature humaine ; mais en la faussant, en l’altérant, en la dégradant, en la corrompant. Au sens vrai du mot, le Christianisme est corrupteur.

Il est mort, dit-on, et il n’est que de curiosité historique de faire les remarques auxquelles nous venons de nous arrêter. Qu’on ne s’y trompe pas. De même que « Dieu est mort » ; mais a laissé des « ombres », ces ombres métaphysiques dont nous avons parlé plus haut, de quoi l’humanité ne pourra peut-être pas se débarrasser d’ici à des milliers d’années ; de même il est curieux de voir quelles ombres aussi a laissées le Christianisme. Le Christianisme avait dit : « Sauvez-vous par la foi », et sur cette parole le « dogme » avait été fondé ; mais il avait dit aussi : « Aimez-vous les uns les autres, aimez votre prochain comme vous-même ; aimez votre « ennemi » ; et, sur ces paroles, la « morale » chrétienne avait été fondée. Peu à peu le dogme est tombé ; mais la morale est venue en premier plan. Remarquez qu’elle y est d’autant plus venue que le dogme tombait. Plus on mettait le dogme en oubli, plus on tenait à honneur de pratiquer et surtout d’exalter la morale, pour montrer combien on pouvait être vertueux sans être chrétien. Cer-