Béranger a tiré son refrain fameux : « Qu’on puisse aller même à la messe, Ainsi le veut la liberté. » Il faut éviter, dans une « déclaration solennelle », de fournir des textes à un chansonnier. Mais enfin, l’intention est bonne, et la formule : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions », vise, après tout, en sa généralité, la liberté de penser elle-même, abstraction faite de ses manifestations.
Le texte de la Déclaration de 1793 n’en vise que les manifestations : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions… ne peut être interdit. » — Ne chicanons pas, du reste. Il est évident que qui accorde le plus accorde le moins, et que les Constituants et les Conventionnels ont été absolument d’avis que penser quoi que ce soit est permis et doit être permis.
Ils sont ici séparés avec éclat de Rousseau, qui voulait que sur certains points la pensée même du citoyen fût conforme à celle de l’Etat ; puisqu’il voulait qu’on proposât au citoyen la pensée essentielle de l’Etat, religieuse et politique ; qu’on l’obligeât à déclarer que cette pensée était la sienne ; qu’on l’exilât s’il ne faisait pas cette déclaration ; et qu’on le tuât, si, après avoir fait cette déclaration, il ne se conduisait pas conformément à l’engagement ainsi pris. Rousseau était un inquisiteur. Les Constituants et les Conventionnels, du moins dans leurs théories, ont très suffisamment écarté le système de l’Inquisition. Peut-être ont-ils eu raison.