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CHAPITRE VII

DE LA LIBERTÉ DE LA PAROLE

La parole est la première manifestation naturelle de la liberté de penser. Quand nous avons une idée, nous songeons d’abord à la dire. Est-ce un droit, ou, en d’autres termes, l’Etat est-il raisonnable en nous le permettant, déraisonnable en nous le défendant ?

Il me paraît que dans l’état de société, tout doit être dit librement parce que, non seulement l’Etat n’a rien à craindre à ce que tout soit dit, mais encore a un grand intérêt à ce que tout soit dit. Il n’a rien à craindre à ce que tout soit dit ; car, s’il est vrai qu’une pensée s’irrite par la contradiction, il est bien plus vrai encore qu’elle s’irrite et s’aigrit par la solitude et par l’impossibilité de se répandre. Un crime est une pensée longtemps couvée, longtemps réprimée, qui n’a pu s’exprimer que par un acte. Comme « à raconter ses maux souvent on les soulage », à exprimer sa pensée on la libère et on s’en allège. C’est à retomber toujours sur le cerveau qui l’a conçue que la pensée y fait un trou et le fêle. Les femmes qui font des scènes ne tuent pas, du moins rarement. L’homme qui exprime sa