Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/175

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Je ne peux pas non plus sans frémir songer aux parents. Cet enfant que vous élèverez selon les principes de l’éducation laïque, républicaine, démocratique, rationnelle, critique et sociale, il aura des parents catholiques. Lui défendrez-vous de les voir, au moins au parloir ? Vous introduisez l’ennemi dans la place et un ennemi qui a toute l’autorité du père, de la mère, de l’oncle, du frère aîné, et toute l’autorité aussi, ne l’oubliez pas, de l’homme qui contredit le professeur. Voilà l’unité morale horriblement menacée et battue en ruine. J’y vois une brèche, comme dit Maeterlinck, par où passerait un troupeau de moutons.

Il n’y aurait qu’un moyen pour sauver « l’unité morale », et je vous le livre complaisamment ; ce serait d’abord d’interdire toute liberté de pensée, de parole et d’écrire à tout homme qui ne serait pas au moins protestant, cela va de soi : « la liberté pour l’homme libre ; » — ce serait ensuite d’interdire à tout homme qui ne serait pas au moins protestant d’avoir des enfants. De cette manière on procéderait par extinction. Ceux qui sont catholiques ou spiritualistes, ou monarchistes, ou bonapartistes, ou républicains plébiscitaires, ou républicains libéraux, survivraient, sans doute ; comme dit le père d’Olivier Twist, on ne peut pourtant pas les tuer ; mais d’une part ils n’auraient aucun moyen au monde de propager dans le pays leurs détestables doctrines, d’autre part ils ne pourraient pas les pro-