Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/53

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quoi la naissance ou l’élection, choses où règne soit le hasard, soit la passion, a-t-elle donné à cet homme ou à ces hommes des lumières particulières et surtout une lumière unique, qui est telle qu’eux seuls l’ont et que tout le monde, sauf s’il la leur emprunte, en est privé ? C’est bien singulier. J’entends bien qu’il ne s’agit pas d’une « grâce » qui leur est versée par une puissance supérieure et mystérieuse ; mais d’une sorte d’attraction, de concentration intellectuelle et morale : l’âme diffuse dans la nation tout entière se ramasse en quelque sorte dans le gouvernement, et c’est en lui que la nation la retrouve ; mais précise, nette, épurée, supérieure, définie, organique et non plus chaotique, et c’est en lui que la nation prend conscience d’elle-même. Le gouvernement c’est la conscience psychologique de la nation. La nation c’est l’inconscient, l’élite c’est le subconscient, le gouvernement c’est la conscience.

J’entends bien ; mais il reste qu’on m’explique l’opération par laquelle un homme qui est l’un de nous, du moment qu’il naît roi, ou du moment qu’il est élu président ou ministre, attire ainsi à lui et ramasse en lui et épure et subtilise et précise en lui tout ce qui chez moi, chez vous, chez ce tiers, existe, peut-être, mais est confus, chaotique, inconscient, balbutiant et misérable. C’est cette opération qu’il reste à expliquer. Qui ne voit que nous revenons où nous en étions et que cette opéra-