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Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/100

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il se sent distinct ; il se sent un peuple. Comment n’en voudrait-il pas éternellement au peuple B ? Voilà les conséquences des iniquités de l’histoire. Assurément nous n’en pouvons vouloir au peuple A de désirer son indépendance et par conséquent de détester le peuple B qui la lui a enlevée et qui continue de la lui ravir. Il ne s’agit plus ici d’une vendetta, du souvenir d’injures reçues jadis et que l’on ravive par une sorte de méditation rétrospective. Il s’agit bien d’une souffrance réelle et actuelle, subie par celui-ci du fait de celui-là. Est-ce une raison pour faire la guerre ? Non ; c’est une raison pour persuader au peuple vainqueur qu’il est selon la raison, selon la justice et dans son intérêt de desserrer les liens du peuple vaincu et de s’associer avec lui fraternellement. Le droit de cité accordé par les Romains aux peuples vaincus est la solution et doit être l’exemple.

— Mais le droit de cité peut être un leurre et le plus souvent en est un. Si le peuple vaincu, ce qui naturellement est le cas le plus commun, est numériquement plus faible que le peuple vainqueur, il sera toujours en minorité dans les conseils de la nation dont il fait partie malgré lui, et il sera tout aussi lésé et tout aussi opprimé qu’auparavant ; et il n’y aura, comme si souvent il arrive, qu’une hypocrisie de plus.