Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/53

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quel grand danger c’était pour la liberté qu’une diversion par le moyen d’une guerre, et le duc d’Aiguillon trouvant la formule des démocraties jalouses (comme des aristocraties jalouses), s’écria, comme Hannon dut faire à Carthage : « Un roi victorieux est un grand danger pour la liberté. »

L’Assemblée, sans être cosmopolite, n’était pas d’un patriotisme très intransigeant ; car, lorsque Cazalès, attaquant sans ménagement « les adages de la philosophie moderne », proclama que la guerre offensive peut être juste et exalta l’amour de la patrie s’écriant : « Le sang d’un seul de mes concitoyens m’est plus précieux que celui de tous les peuples du monde », l’Assemblée protesta par des clameurs qui couvrirent sa voix, et il dut faire des excuses. Mirabeau, comme presque toujours, dit le mot de la situation, et d’une situation qui devait être la même bien longtemps après lui : « Je me demande si, parce que nous changeons tout à coup notre système politique, nous forçons les autres nations à changer le leur. Jusque-là, cependant, la paix perpétuelle demeure un rêve, et un rêve dangereux s’il entraîne la France à désarmer devant une Europe en armes. »

Pendant la suite de la Révolution française je n’ai pas besoin de dire que l’esprit public en France fut généralement très belliqueux ; mais il