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mettre la passion où il faudrait le savoir, et de mettre exclusivement la passion là où la passion devrait être exclue. On peut appeler, si l’on veut, la politique la science du gouvernement ou la « science royale ». Cette science appartient sans doute à ceux qui l’ont étudiée. La démocratie consiste à ne pas tenir compte de ceux qui ont étudié cette science et à ne tenir compte que de tous les autres En effet, elle transporte la souveraineté des plus sages ou des plus instruits aux plus nombreux. Or les ignorants étant les plus nombreux, dans ce nombre les plus sages et les plus instruits sont comme s’ils n’étaient pas, et le résultat de l’opération a été de les exclure et de les supprimer comme si on les exilait.

La démocratie a donc pour objet et même pour objet unique de supprimer la compétence et de la remplacer par l’incompétence même. Elle fait, pour ce qui est de gouverner l’État ce qu’on ferait si pour monter une tragédie, on s’adressait et m’on se confiait à tous ceux qui s’y intéressent, sauf le chorège et le poète tragique. C’est une méthode qui peut paraître singulière ; mais il faut tenir compte de ceci que la démocratie a le culte et comme l’idolâtrie de l’incompétence et se défie de la compétence comme de son ennemi.

Il ne faut pas s’étonner de cela. On peut le dé-