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POUR QU’ON LISE PLATON

de la loi, il y a égalité, conventionnelle et factice, entre des êtres qui ne sont nullement égaux les uns des autres et qui sont tout étonnés, ou qui seraient tout étonnés, n’était l’accoutumance, de s’entendre déclarer tels. « Nous prenons dès la jeunesse les meilleurs et les plus forts d’entre nous ; nous les formons et les domptons, comme on dompte des lionceaux, par des discours pleins d’enchantements et de prestiges, leur faisant entendre qu’il faut s’en tenir à l’égalité et qu’en cela consiste le beau et le juste. Mais j’imagine que s’il paraissait un homme né avec de grandes qualités, qui, secouant et brisant toutes ses entraves, trouvât le moyen de s’en débarrasser, qui, foulant aux pieds vos écritures et vos prestiges et vos enchantements et vos lois toutes contraires à la nature, aspirât à s’élever au-dessus de tous et, de votre esclave, devînt votre maître ; alors on verrait briller la justice telle qu’elle est dans l’institution de la nature. Pindare me paraît appuyer ce sentiment dans l’ode où il dit que la Loi est la reine des mortels et des immortels. Elle mène, poursuit-il, avec soi la force et d’une main puissante la rend légitime[1]. J’en juge par les actions d’Hercule qui, sans les avoir achetés… Le sens est

  1. « Ne pouvant fortifier la justice, ils ont justifié la force. » (Pascal.)