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POUR QU’ON LISE PLATON

qu’Hercule emmena avec lui les bœufs de Géryon, sans qu’il les eût achetés, sans qu’on les lui eût donnés, laissant à entendre que cette action était juste, à consulter la nature, et que les biens des faibles et des petits appartiennent au plus fort et au meilleur. »

C’est donc une morale, si l’on veut, mais c’est la morale des faibles et la morale des esclaves que celle qui se fonde sur l’idée de jnstice. La vraie morale, celle qui n’est pas une convention, celle qui est dans la nature et celle qui est la morale des hommes nobles, c’est le développement libre et énergique de la volonté de puissance : « Comment, en effet, un homme serait-il heureux s’il est asservi à quoi que ce soit ? Je vais te dire en toute liberté ce que c’est que le beau et le juste dans l’ordre de la nature. Pour mener une vie heureuse, il faut laisser prendre à ses passions tout l’accroissement possible et ne point les réprimer. Lorsqu’elles sont ainsi parvenues à leur comble, il faut être en état de les satisfaire par son courage et son habileté et de remplir chaque désir à mesure qu’il naît. C’est ce que la plupart des hommes ne sauraient faire, à ce que je pense ; et de là vient qu’ils condamnent ceux qui en viennent à bout, cachant par honte leur propre impuissance. Ils disent donc que l’intempérance est une chose laide, comme je