Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/81

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font à l’ordinaire les écrivains grecs, du moins de son temps.

Platon déteste les sophistes ; et il est très évident qu’il est si pénétré de leurs leçons, de leur influence et en quelque sorte de leur esprit même, qu’il n’a pas inventé une autre façon de raisonner que la leur ; si l’on ne doit pas dire qu’il a perfectionné la leur et l’a raffinée et aggravée. Ç’a été sa faiblesse auprès de la postérité qu’il a toujours prouvé le vrai à l’aide de tous les artifices dont on se sert à l’ordinaire pour prouver le faux. Il prouve le vrai par des arguments captieux, des pièges tendus, des digressions déconcertantes, des manœuvres stratégiques, des faux-fuyants et des paradoxes. Il est le sophiste de la vérité. Il a, pour parler à peu près le langage de l’école d’alors, il a « l’idée forte », et il semble s’appliquer à la prouver par le « discours faible ». — Avez-vous remarqué que, même quand il met en présence les Sophistes et Socrate, ce sont les Sophistes qui vont plus droit au but et qui ont plus de loyauté dans la discussion ; et que c’est Socrate qui louvoie sans cesse et qui a sans cesse les démarches tournantes et les mouvements obliques ?

Est-ce coquetterie ? On l’a cru, peut-être avec raison. Est-ce regret et, comme on était tenté de dire tout à l’heure : « regrette-t-il assez de n’être