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Page:Faguet - Propos littéraires, 1re série, 1902.djvu/15

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critique est un genre littéraire comme un autre, et voilà tout. On nous lit comme on lit un roman, un poème ou un livre de philosophie.

Que cherche le public dans les livres et dans les journaux ? Une continuation de sa propre vie, sa vie pensée et exprimée par d’autres. Or le public rêve, bâtit des châteaux en Espagne, philosophe sur la nature des choses et la destinée, cause des pièces qu’il a vues et des livres qu’il a lus. Il veut, en lisant, de nouveau rêver, suivre l’évolution d’aventures curieuses, philosopher sur la nature des choses et causer des pièces et des livres qu’il connaît. Et, donc, il lui faut des poèmes, des romans, des livres de philosophie et des critiques littéraires et des critiques dramatiques.

Et il lit tout cela au même titre, sans se soumettre à tels écrits plutôt qu’à tels autres. Et quand il lit un critique, il le lit pour lui, pour voir ce qu’il pense et comment il pense, comme un philosophe, et point du tout pour le consulter sur ce qu’il faut aller voir et sur ce qu’il faut lire.

Ceci, c’est autre chose, tout autre chose. Cette consultation, le public ne la prend que de lui-même. Le lendemain d’une « première », chacun a consulté, non du tout le critique, mais le simple particulier dont il croit que le goût concorde avec le sien : « Il faut voir ça ? — Non. C’est peut-être beau, mais c’est assommant. » Ou au contraire : « Oui, ce n’est pas amusant, mais c’est très beau. » Et l’opinion de