Aller au contenu

Page:Faguet - Propos littéraires, 1re série, 1902.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce que cela atteint la vente, peut et doit la diminuer. Et cela est une mauvaise action… »

Notez que cet auteur ne manque jamais l’occasion de dire dans les journaux que je suis un crétin, sans s’inquiéter si cela peut et doit nuire à la vente de mes ouvrages : mais ces contradictions sont très humaines.

Sur le fond de la question, il a tort. Il ne vendra pas un volume de moins pour avoir été qualifié d’ennuyeux par moi ; il n’en vendra pas un de plus pour avoir été qualifié d’homme de génie par tous les autres critiques. Notre influence sur le succès est absolument nulle.

— Mais pourtant on vous lit !

— Oui, et de plus en plus : et, par parenthèse, sans afficher un désintéressement ridicule, et le disant simplement parce que je crois que c’est vrai, je ne suis pas très satisfait de ce goût croissant du public français pour la lecture des critiques. C’est un peu viande creuse. C’est une habitude un peu byzantine. J’aimerais mieux qu’on lût davantage les auteurs eux-mêmes. Enfin, c’est un fait : oui, on nous lit, et de plus en plus.

— Eh bien ?

— Eh bien, cela prouve-t-il qu’on nous lit pour nous consulter ? Cela prouve-t-il qu’on nous lit pour savoir ce qu’il faut penser des ouvrages ? Pas le moins du monde ! On nous lit comme on lit les auteurs, parce que nous sommes intéressants. La