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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/113

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œuvres historiques en prose

modernes ne connaîtront que l’autorité civile réglée par de bonnes lois qu’inspirera le bon sens ; elles seront débarrassées des superstitions, et en même temps de l’autorité religieuse, et en même temps des discussions métaphysiques fécondes en malheurs. Elles seront heureuses : « Quelle fête verront nos neveux ! »

Je ne veux que montrer ici que toute la pensée de Voltaire, qu’elle soit philosophique ou historique, est toujours dominé par sa répulsion invincible pour l’esprit religieux. D’autres, et qui étaient aussi peu soumis aux dogmes chrétiens que l’était Voltaire, ont démontré le progrès accompli sur l’antiquité par l’avènement du christianisme ; la supériorité du moyen âge lui-même sur l’antiquité ; la beauté, la grandeur et l’utilité du « pouvoir spirituel » à une époque où sans lui l’Europe n’eût été qu’une mêlée furieuse d’ambitions et d’appétits égoïstes ; le peu d’avantages enfin que la diminution du pouvoir spirituel et la quasi-omnipotence reconquise par le pouvoir civil ont amenés à leur suite ; démontré enfin que la campagne de Voltaire et des philosophes de son temps contre l’esprit religieux a eu des résultats beaucoup moins merveilleux que lui, et surtout ses compagnons d’armes, ne l’ont supposé.

Mais remarquez pourtant que son sens historique du moins, sinon sa théorie, est assez juste. C’est bien du moyen âge que depuis la Renaissance jusqu’aujourd’hui nous nous éloignons, et c’est bien à l’antiquité qu’à beaucoup d’égards nous revenons. C’est à une situation morale et même économique assez semblable à celle de l’Europe au quatrième siècle environ avant Jésus Christ que nous semblons être retournés, et c’est peut-être à une situation politique, morale et même économique assez pareille à celle de l’Europe au deuxième siècle après Jésus-Christ que nous paraissons nous acheminer.