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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/114

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Voltaire

Reste à savoir si ce retour est une chose dont on doive se féliciter pour ce qui en est fait, et qu’on doive souhaiter pour ce qui en reste à accomplir ; et c’est ce dont il est permis de douter, sans jamais vouloir rien affirmer de ce que l’avenir seul peut décider.

Si l’on veut voir un exemple de la manière dont Voltaire, dans l’Essai sur les mœurs, trace le tableau d’ensemble d’une époque, nous citerons son chapitre : Idée générale du seizième siècle :

« Le commencement du xvie siècle nous présente à la fois les plus grands spectacles que le monde ait jamais fournis. Si on jette la vue sur ceux qui régnaient alors en Europe, leur gloire ou leur conduite ou les grands changements dont ils ont été cause rendent leurs noms immortels.

C’est, à Constantinople, un Sélim, qui met sous la domination ottomane la Syrie et l’Égypte, dont les mahométans mameluks avaient été en possession depuis le xiiie siècle.

C’est, après lui, son fils le grand Soliman, qui, le premier des empereurs turcs, marche jusqu’à Vienne, et se fait couronner roi de Perse dans Bagdad, prise par ses armes, faisant trembler à la fois l’Europe et l’Asie.

On voit en même temps au nord Gustave Wasa, brisant dans la Suède le joug étranger, élu roi du pays dont il est le libérateur…

En Espagne, en Allemagne, en Italie, on voit Charles-Quint, maître de tous ces États sous des titres différents, soutenant le fardeau de l’Europe, toujours en action et en négociations, heureux longtemps en politique et en guerre, le seul empereur puissant depuis Charlemagne, le premier roi de toute l’Espagne, depuis la conquête des Maures : opposant des barrières à l’empire ottomam, faisant des rois et une multitude de princes, et se dépouillant enfin de toutes les couronnes dont il est chargé, pour aller mourir en solitaire après avoir troublé l’Europe.

Son rival de gloire et de politique, François Ier, roi de France, moins heureux mais plus brave et plus aimable, partage entre Charles-Quint et lui les vœux et l’estime des nations. Vaincu et plein de gloire, il rend son royaume