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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/116

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Voltaire

Pays Bas furent plus florissantes encore que sous la maison de Bourgogne. Les dames appelées à la cour de François Ier la firent le centre de la magnificence et de la politesse.

Les mœurs étaient plus dures à Londres, où régnait un roi capricieux et féroce ; mais Londres commençait déjà à s’enrichir par le commerce. En Allemagne, les villes d’Augsbourg et de Nuremberg, répandant les richesses de l’Asie qu’elles tiraient de Venise, se ressentaient déjà de leur correspondance avec les Italiens…

En un mot, l’Europe voyait naître de beaux jours ; mais ils furent troublés par la tempête que la rivalité entre Charles-Quint et François Ier excita ; et les querelles de religion qui déjà commençaient à naître souillèrent la fin de ce siècle ; elles la rendirent affreuse et y portèrent enfin une espèce de barbarie que les Hérules, les Vandales et les Huns n’avaient jamais connue. »

Dans ses livres d’histoire où Voltaire se borne à raconter, comme dans l’Histoire de Charles XII et la plus grande partie du Siècle de Louis XIV, il est inimitable comme rapidité, limpidité et aisance de narration. Quelques-unes des pages de Charles XII sont restées, non seulement classiques, comme le livre tout entier, mais célèbres pour cette vivacité du récit et ce relief de la peinture dans une parfaite simplicité, qui étaient qualités bien rares dans l’art historique depuis Jules César. Voici le récit de la première rencontre des Suédois sous la conduite de Charles XII avec les Russes auprès de Narva :

« Les Moscovites, voyant arriver les Suédois [une partie seulement de l’armée suédoise] à eux, crurent avoir toute une armée à combattre. La garde avancée, de cinq mille hommes, qui gardait, entre les rochers, un poste où cent hommes résolus pouvaient arrêter une armée entière, s’enfuit à la première approche des Suédois.

Les vingt mille hommes, qui étaient derrière, voyant fuir leurs compagnons, prirent l’épouvante et allèrent porter le