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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/120

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CHAPITRE IV

ŒUVRES HISTORIQUES EN VERS.

Car ce que Voltaire a appelé et ce que tout le monde autour de lui a appelé ses poèmes épiques ne sont autre chose que de l’histoire.

Le poème épique, de sa nature, est toujours légendaire. Il n’est bon, il n’ébranle l’imagination des hommes, il n’a vraiment le caractère épique que quand il est légendaire. Or le légendaire, c’est le merveilleux, ou le légendaire s’accompagne toujours de merveilleux ; et Voltaire est incapable de goûter comme d’admettre le merveilleux, et l’on peut dire que sa passion maîtresse est précisément de l’écarter toujours et de toujours le proscrire. Il a donc, quand il s’est occupé de poème épique, écarté instinctivement le merveilleux et le légendaire, comme il faisait ailleurs, comme il faisait toujours. Reste que, croyant écrire des poèmes épiques, il écrivit de l’histoire, et c’est en effet ce qu’il a écrit, en vers élégants, La Henriade n’est pas autre chose que l’histoire de la conquête de la France par Henri IV.

Et ce n’est point pour la déprécier que nous en parlons ainsi ; c’est d’abord pour lui restituer son véritable caractère ; c’est ensuite pour la faire lire avec intérêt. Lue comme une œuvre poétique, elle paraît sèche, indigente ; le manque d’imagination, d’imagination vraiment créatrice, y éclate. Lue comme une œuvre d’histoire faite