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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/128

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Voltaire

plus judicieux et le plus utile qu’on ait écrit en France depuis Mézeray.

Il faut en dire moins, mais non pas médire, non plus. du Poème de Fontenoy; très admiré du temps de Voltaire, un peu raillé depuis, et qui n’est pas sans mérite. Peut-être est-il chargé d’un trop grand nombre de noms propres, fait-il défiler devant nos yeux trop de « héros » et « guerriers » différents, qui ne sont pas assez marqués de traits frappants qui les distinguent les uns des autres. Voltaire, parlant de contemporains, n’a pas voulu faire de jaloux et s’est efforcé à ce que tous ceux qui s’étaient fait remarquer dans la bataille se retrouvassent dans le poème. Mais il y a encore un beau souffle oratoire et de l’ampleur en plusieurs passages, notamment dans le suivant :

Français, heureux Français, peuple doux et paisible,
C’est peu qu’en vous guidant Louis soit invincible ;
C’est peu que, le front calme et la mort dans les mains.
Il ait lancé la foudre avec des yeux sereins ;
C’est peu d’être vainqueur ; il est modeste et tendre ;
Il honore de pleurs le sang qu’il vit répandre ;
Entouré des héros qui suivirent ses pas,
Il prodigue l’éloge et ne le reçoit pas ;
Il veille sur des jours hasardés pour lui plaire.
Le monarque est un homme et le vainqueur un père.
Ces captifs tout sanglants portés par nos soldats,
Par leur main triomphante arrachés au trépas.
Après ces jours de sang, d’horreur et de furie,
Ainsi qu’en leurs foyers, au sein de leur patrie.
Des plus tendres bienfaits éprouvent les douceurs,
Consolés, secourus, servis par leurs vainqueurs.
Ô grandeur véritable, ô victoire nouvelle !
Eh ! quel cœur ulcéré d’une haine cruelle,
Quel farouche ennemi peut n’aimer point ce roi,
Et ne pas souhaiter d’être né sous sa loi ?
Il étendra son bras et calmera l’Empire.
Déjà Vienne se tait, déjà Londres l’admire.