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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/215

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les petits vers

Où votre esprit est absorbé :
J’oserais m’y livrer moi-même ;
Mais, hélas ! A + D — B
N’est pas à je vous aime.

Voltaire est si naturellement épigrammatiste que souvent, quand il fait une satire, son ouvrage n’est pas autre chose qu’une suite, qu’un recueil d’épigrammes reliées presque négligemment les unes aux autres par un fil léger. C’est pour cela que j’ai réservé pour le chapitre des « petits vers » sa fameuse satire du Pauvre Diable dont voici les principaux passages. Voltaire suppose un pauvre hère, un Dupont ou un Durand du temps (car Musset, dans son fameux pamphlet en vers, s’est souvenu du Pauvre Diable de Voltaire), qui vient lui demander conseil sur la façon de se tirer d’affaire dans ce pauvre monde :

Quel parti prendre ? où suis-je et qui dois-je être ?
Né dépourvu, dans la foule jeté,
Germe naissant par le vent emporté,
Sur quel terrain puis-je espérer de croître ?
Comment trouver un état, un emploi ?
Sur mon destin, de grâce, éclairez-moi.
— Il faut s’instruire et se sonder soi-même,
S’interroger, ne rien croire que soi,
Que son instinct ; bien savoir ce qu’on aime.
Et sans chercher des conseils superflus,
Prendre l’état qui vous plaira le plus.

Conseil facile à donner plus qu’à suivre. Pour être officier, il faut de l’argent, pour être juge il en faut plus encore :

— Quoi ! point d’argent, et de l’ambition !
Pauvre impudent ! Apprends qu’en ce royaume