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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/217

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les petits vers

patron ne le paya point et lui vola « son honoraire en lui parlant d’honneur. » Il alla trouver Le Franc de Pompignan, qui lui dit doucement :

De ce bourbier vos pas seront tirés ;
Comptez sur moi. Votre dur cas me touche.
Tenez : prenez mes cantiques sacrés,
Sacrés ils sont, car personne n’y touche ;
Avec le temps un jour vous les vendrez.
Plus acceptez mon chef-d’œuvre tragique
De Zoraïd. La scène est en Afrique ;
À la Clairon vous le présenterez ;
C’est un trésor. Allez et prospérez.

On n’a voulu des productions de Pompignan nulle part. Le pauvre diable s’est rejeté sur Gresset, Gresset l’auteur de Vert-Vert, bel esprit, un peu libertin autrefois, maintenant devenu dévot et timoré.

Gresset doué du double privilège
D’être au collège un bel esprit mondain,
Et dans le monde un homme de collège ;
Gresset dévot, longtemps petit badin,
Sanctifié par ses palinodies.
Il prétendait avec componction
Qu’il avait fait jadis des comédies
Dont à la Vierge il demandait pardon.
— Gresset se trompe. Il n’est pas si coupable ;
Un vers heureux et d’un tour agréable
Ne suffît pas ; il faut de l’action,
De l’intérêt, du comique, une fable,
Des mœurs du temps un portrait véritable,
Pour consommer cette œuvre du démon.

Les conseils de Gresset n’ayant pas plus porté bonheur au pauvre diable que ceux de Pompignan, il s’est rabattu sur Trublet, moitié critique, moitié historien.

L’abbé Trublet alors avait la rage
D’être à Paris un petit personnage ;