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Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/75

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Voltaire à Ferney

Vous en tâterez quelque jour,
Et lorsque aux ténébreux rivages
Vous irez trouver vos ouvrages,
Vous ferez rire à votre tour.

Quand sur la scène de ce monde
Chaque homme a joué son rôlet,
En partant il est à la ronde
Reconduit à coups de sifflet.
Dans leur dernière maladie,
J’ai vu des gens de tous états,
Vieux évêques, vieux magistrats,
Vieux courtisans à l’agonie…
Le public malin s’en moquait ;
La Satire un moment parlait
Des ridicules de sa vie ;
Puis à jamais on l’oubliait :
Ainsi la farce était finie…

Petits papillons d’un moment,
Invisibles marionnettes,
Qui volez si rapidement
De Polichinelle au néant,
Dites-moi donc ce que vous êtes !
Au terme où je suis parvenu,
Quel mortel est le moins à plaindre ?
C’est celui qui sait ne rien craindre,
Qui vit et qui meurt inconnu.

Ce n’était pas de cette façon que Voltaire avait vécu, ni qu’il devait mourir. Sa mort devait être aussi éclatante, aussi entourée de gloire et de retentissements que sa vie l’avait été. On n’est jamais sage jusqu’au bout, quand on n’a pas commencé par l’être. Voltaire allait être un récidiviste de la popularité.