généreuses inspirations de ton cœur, et, si tu aimes à entendre la douce voix de la renommée, ne te lasse point de répandre d’abondantes largesses ; sache en pilote habile tendre les voiles aux vents, cher prince, et garde-toi de te laisser séduire par une trompeuse économie ! Les hommes meurent, leur gloire seule leur survit, et quand le héros n’est plus, les orateurs et les poètes redisent ce qu’il fut pendant sa vie. Ainsi la vertu bienfaisante de Crésus ne périra jamais, tandis que la postérité aura toujours en horreur la mémoire de Phalaris, qui brûlait inhumainement les hommes dans son taureau d’airain ; jamais son exécrable nom ne retentira dans les assemblées où la jeunesse marie sa voix aux doux sons de la lyre.
Jouir des dons de la victoire est le premier des bienfaits ; entendre célébrer ses louanges est le second : réunir ces deux avantages, c’est porter la plus belle couronne.
II.
À HIÉRON, ROI DE SYRACUSE,
Vaste cité de Syracuse, temple du dieu des combats, toi dont le sein fortuné nourrit tant de héros et de coursiers belliqueux, reçois ce chant de victoire qui part de la féconde Thèbes pour t’annoncer le triomphe de ton roi. Vainqueur à la course bruyante des chars, Hiéron, de l’éclat de ses couronnes, embellit Ortygie, terre consacrée à Diane-Alphéienne. Jamais, sans la déesse, son bras n’eût pu dompter ses coursiers fiers de leurs rênes brillantes. Mais à peine eut-il invoqué le redoutable dieu du trident que la vierge chasseresse et Mercure, qui préside à nos jeux, répandirent sur ces fougueux quadrupèdes un éclat éblouissant, et qu’Hiéron soudain les attela à son char, dociles au frein qui les guide.
D’autres en vers pompeux, rendent un juste hommage à la valeur et aux vertus de leurs princes ; c’est ainsi que les peuples de Cypre répètent dans leurs chants le nom de Cynirus, cher au blond Phébus et pontife suprême de Cythérée. Ces chants, ô fils de Dinomène, sont aussi bien que les miens inspirés par des bienfaits ; ils acquittent la dette de la reconnaissance.
De même si les vierges de Locres font retentir leurs paisibles demeures de tes louanges, si l’avenir ne leur offre plus que paix et sécurité, c’est à tes exploits, c’est à ta valeur qu’elles en sont redevables.
Rapidement entraîné sur la roue à laquelle l’a fixé l’ordre des dieux, Ixion ne crie-t-il pas aux mortels qu’ils aient à payer la bienfaisance d’un juste retour. Une funeste expérience l’a instruit de ce devoir. Admis par la bonté des fils de Saturne à couler auprès d’eux des jours délicieux, il ne put longtemps soutenir l’excès de son bonheur, il conçut dans son aveugle délire une furieuse passion pour Junon, que la couche du grand Jupiter est seule digne de recevoir. Mais son orgueilleuse audace le précipita dans un abîme de maux ; doublement coupable, et lorsque vivant sur la terre, il se souilla le premier du sang de son beau-père, et lorsque, dans l’enceinte du sacré palais, il osa attenter à la pudeur de Junon, l’épouse du puissant Jupiter. Un supplice inouï devint bientôt le juste châtiment de ses crimes. Mortels, apprenez ainsi à ne jamais former des vœux au-dessus de votre faible nature.
Ixion, pour assouvir sa passion sacrilège, se précipita dans l’excès du malheur, aveugle qu’il était, il n’avait embrassé qu’un nuage, et son amour trompé s’était enivré de ce doux mensonge ! La nue, brillant fantôme, pour l’entraîner à sa perte, avait pris sous la main de Jupiter la forme de la céleste fille de Saturne. Alors le maître des dieux l’attacha à cette roue… Ses membres y sont à jamais serrés par d’invincibles nœuds, et ses tortures, hélas ! trop célèbres attestent à la terre la vengeance des immortels.
Cependant la nue, mère unique de son espèce, conçut, sans l’assistance des Grâces, un fruit unique aussi dans la sienne ; sa nourrice le nomma Centaure ; monstre également étranger aux formes humaines et aux attributs de la divinité, il courut dans les vallées du Pélion perpétuer sa race en s’accouplant avec les cavales de la Thessalie. C’est de cette union qu’est née la race extraordinaire des Centaures, participant à la forme de leur père et de leur mère, hommes jusqu’à la ceinture, et chevaux dans la partie inférieure du corps.
Ainsi Dieu dispose de tout à son gré : plus rapide que l’aigle qui fend les airs, que le dauphin qui fuit au milieu des ondes, il brise l’orgueil des mortels ambitieux et comble les autres d’une gloire impérissable.