Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/230

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Honneur à ce dieu bienfaiteur de l’humanité ! C’est lui qui enseigna aux mortels des remèdes salutaires pour soulager leurs maux ; il inventa la lyre, et avec les trésors de l’harmonie donna à ceux qui lui sont chers l’amour de la justice et de la paix. Du fond de l’antre sacré où il rend ses oracles il fit jadis entendre sa voix, et conduisit à Lacédémone, à Argos et à Pylos, les valeureux descendans d’Hercule et Ægimius.

Sparte ! oh ! combien l’honneur de t’appartenir relève encore la gloire de ma patrie ! C’est toi qui vis naître ces Ægéides, mes ancêtres, que les dieux envoyèrent à Théra. Ils célébraient un sacrifice, au moment où le destin amena devant Thèbes les Héraclides qu’ils suivirent dans les murs. C’est d’eux, ô Apollon, que nous sont venues tes fêtes carnéennes et les festins au milieu desquels nous célébrons l’opulente Cyrène, où jadis se réfugièrent les Troyens, fils d’Antenor. Après avoir vu Ilion réduit en cendres par le flambeau de la guerre, ce peuple valeureux y aborda avec Hélène ; il y fut admis aux festins sacrés et reçut les dons de l’hospitalité de la main des héros qu’Aristote (Battus) y avait conduits sur ses nefs légères à travers les flots tumultueux des mers.

Battus consacra aux dieux des bois plus vastes, aplanit la voie Scyrota et la revêtit de rocs polis pour qu’elle pût résister aux pieds retentissans des coursiers ; c’est là qu’il est enseveli, à l’extrémité de la place publique : heureux tant qu’il vécut parmi les hommes, et depuis sa mort honoré par les peuples comme un demi-dieu. Hors de la ville et devant le vestibule du palais reposent les cendres des autres rois, qui subirent après lui les rigueurs du trépas. Aujourd’hui mon hymne, en célébrant leurs vertus héroïques, pénètre au sombre bord et, comme une rosée bienfaisante, y réjouit leurs mânes par le souvenir de la gloire que leur fils partage avec eux.

Maintenant donc, ô Arcésilas ! fais retentir au milieu des chœurs des jeunes Cyrénéens les louanges du dieu dont les rayons dorés vivifient le monde ; c’est à lui que tu dois l’éclatante victoire que je chante aujourd’hui et la palme, noble dédommagement de tes dépenses et de tes travaux : ton éloge est dans la bouche de tous les sages. Ce qu’ils ont dit je vais le répéter : Ta sagesse et ton éloquence sont au-dessus de ton âge, pour le courage tu es l’aigle qui d’une aile vigoureuse devance tous les oiseaux, dans les combats ta force est un rempart puissant, dès le matin de tes ans ton génie s’est élevé au séjour des Muses, avec quelle adresse ne te voit-on pas diriger à ton gré un char rapide ! enfin, ce qui est grand et sublime, tu l’encourages, tu l’adoptes, et les dieux bienveillans te donnent la force et les moyens pour l’exécuter.

Bienheureux enfans de Saturne, daignez favoriser ainsi pour l’avenir les projets et les actions d’Arcésilas ! Que jamais le souffle empoisonné du malheur n’abatte les fruits que lui promettent ses beaux jours ! Jupiter, que ta providence puissante préside au destin des mortels que tu chéris ! daigne bientôt accorder au descendant de Battus l’honneur de la palme olympique.

VI.

À XÉNOCRATE, D’AGRIGENTE,

Vainqueur à la course des chars.

Mortels, prêtez l’oreille à mes accens ! me voici dans la terre consacrée à l’aimable Vénus et aux Grâces, après avoir porté mes pas vers le temple d’Apollon Pythien : c’est là que pour célébrer à l’envi la victoire de Xénocrate, la félicité des Emménides et la belle Agrigente, qu’un fleuve du même nom arrose de ses eaux, j’ai trouvé dans le sanctuaire un trésor où j’ai puisé mes chants, trésor indestructible, qui n’a à redouter ni les pluies de l’hiver, ni les orages qui s’entre-choquent comme des bataillons armés, ni les vents qui roulent en tourbillons sur le gouffre des mers. Il brille de l’éclat le plus pur, ô Thrasybule, et devient pour moi une source de chants harmonieux qui, répétés de bouche en bouche, rediront à la postérité la gloire de ton père et de tes descendans, et la victoire curule qu’il a remportée dans la vallée de Crisa.

Digne fils de Xénocrate, avec quelle attention ne remplis-tu pas le précepte que jadis le Centaure né de Philyre donnait sur le mont Pélion au fils de Pélée, qu’il élevait loin de ses parens. « Mon fils, lui disait-il, honore parmi tous les dieux de l’Olympe le redoutables maître du tonnerre et garde-toi bien de priver pendant ta vie du tribut de ta reconnaissance le mortel qui te donna le jour. »

Tel fut le valeureux Antiloque qui se dévoua à la mort pour sauver les jours de son père, et