Page:Falconnet - Petits poèmes grecs, Desrez, 1838.djvu/232

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de la tribu des Midyles, tes ancêtres, j’oserais t’appliquer ces paroles mystérieuses que prononça le fils d’Oïclée en voyant devant Thèbes aux sept portes les fiers Épigones, la lance à la main lorsque, pour la seconde fois, ils venaient livrer à cette ville de nouveaux assauts. Ils combattaient, et le devin s’écria : « La nature a transmis aux enfans la magnanimité de leurs pères ; je vois clairement aux portes de la cité de Cadmus Alcméon agitant le dragon dont les couleurs varient l’éclat de son bouclier. Après une première défaite, l’héroïque Adraste reparaît sous de meilleurs auspices ; mais un malheur domestique lui fera payer cher ses succès. Seul de tous les enfans de Danaüs, Égialée périt, et Adraste, que la faveur des Dieux reconduit dans la vaste cité d’Abas avec son armée entière, emporte avec lui les cendres de ce fils adoré. » Ainsi parla Amphiaraüs.

Et moi je couronne aujourd’hui de fleurs la statue d’Alcméon, son fils, en lui consacrant les chants de ma reconnaissance. Voisin de mes foyers, son monument protège mes possessions, et le devin lui-même s’est offert à ma rencontre au moment où j’allais visiter le temple auguste placé au centre de la terre : héritier de l’art de son père, il sembla alors m’annoncer la victoire d’Aristomène.

Ô toi, qui lances au loin tes flèches redoutables et qui, au sein des vallées pythiques, règnes dans ce sanctuaire fameux ouvert à toutes les nations, tu as élevé Aristomène au comble de la félicité. Déjà, dans ces fêtes que sa patrie célèbre en ton honneur, dieu puissant, ta faveur lui a fait cueillir la palme du pentathle, le plus glorieux des combats. Daigne encore aujourd’hui agréer cet hymne harmonieux destiné à célébrer ses victoires. Eh ! qui mieux qu’Aristomène a mérité le tribut de mes louanges et de mes chants ? Et toi, Xénarque, puissent mes prières attirer sur ton fils et sur toi la protection immortelle des dieux.

L’homme qui, sans de longs travaux, a amassé de grands biens, paraît sage aux yeux du vulgaire ignorant : il a su, dit-il, par sa prudence et son adresse assurer sa prospérité. Insensé ! le bonheur ne dépend point de la volonté des mortels : Dieu seul est le dispensateur ; c’est lui dont la justice, distribuant également les biens et les maux, sait quand il lui plaît élever l’un, abaisser l’autre sous sa main puissante.

Mégare et les champs de Marathon ont été témoins de tes triomphes, ô Aristomène, et dans les jeux que ta patrie célèbre en l’honneur de Junon trois fois ta vigueur a dompté tes rivaux. Naguère aux solennités pythiques quatre athlètes terrassés ont éprouvé la force de tes coups. Combien leur retour a différé du tien ! le doux sourire d’une mère n’a point réjoui leur cœur ; honteux de leur défaite, ils tremblent à l’aspect de leurs ennemis, ils se cachent et fuient les regards des hommes.

Mais celui auquel la victoire vient de sourire s’élève aux plus hautes destinées sur les ailes de l’Espérance et préfère aux soucis de l’opulence la palme que sa valeur lui a conquise. Cependant si un court instant accroît ainsi le bonheur de l’homme, la plus légère faute en un instant aussi l’ébranle et le renverse.

Ô homme d’un jour ! qu’est-ce que l’être ? qu’est-ce que le néant ? Tu n’es que le rêve d’une ombre et la vie n’a de jouissance et de gloire qu’autant que Jupiter répand sur elle un rayon de sa bienfaisante lumière.

Ô nymphe Égine ! tendre mère d’un peuple libre, joins-toi à Éaque, à Pélée, à l’immortel Télamon, à l’invincible Achille, pour protéger, sous le bon plaisir du puissant Jupiter, Aristomène et la cité qui l’a vu naître.

IX.

À TÉLÉSICRATE, DE CYRÈNE,

Vainqueur à la course armée.

Je veux, sous les auspices des Grâces à la belle ceinture, célébrer la victoire que dans Pytho Télésicrate a remportée à la course malgré le poids d’un énorme bouclier d’airain. Heureux mortel, Télésicrate fait la gloire de sa patrie, de Cyrène, cité célèbre par ses coursiers et qui doit son nom à cette nymphe chasseresse que, sur un char d’or, le blond Phébus enleva jadis dans les vallées retentissantes du Pélion. Ce dieu la transporta dans une contrée féconde en fruits et en troupeaux, et l’y établit reine de la florissante Lybie, troisième partie du vaste continent.

Vénus aux pieds d’albâtre, arrêtant d’une main légère le char qui les portait, reçut le dieu de Délos comme un hôte chéri ; puis elle introduisit dans leur couche l’aimable Pudeur et accomplit l’hymen du jeune dieu avec la fille