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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/111

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Je sortis sans bruit, à l’allure naturelle d’une personne de service. Dès que j’eus passé la grille je me mis à courir, et c’est tout essoufflé que j’arrivai à la maison. Ma mère, il est vrai, ne s’inquiétait plus comme autrefois de mes absences.

Je me sentais intégralement heureux. Amant de la sœur de Maurice ! Hermance ! L’attente du surlendemain me fut longue. Dès deux heures j’étais à proximité de la briqueterie. À quatre heures, je m’y tenais encore et Mme Lorimier ne paraissait pas. J’allai vers Saint-Jean-de-Losne, au-devant de la calèche. Une femme que je reconnus pour une domestique de maître Gorguet passa près de moi. Je l’arrêtai. Elle m’apprit que le petit Lorimier était malade, souffrant d’une grosse fièvre, et que madame attendait le médecin. Je n’avais plus qu’à m’en retourner à Saint-Brice.

M’aviserait-elle d’un autre rendez-vous ? Trois jours de suite je me tins près de la briqueterie. J’étais d’autant plus navré que Bougret, le séducteur d’Agathe, était là, en permission de huit jours, qu’il occupait à secouer la belle, ce qui me contraignait à ne me rencontrer avec elle qu’à la dérobée.

Je vis enfin Mme Lorimier. Elle passa devant nos chantiers au petit trot de son cheval, dont les grelots sonnaient clair. Je reçus d’elle un regard enflammé. Elle s’étonna que j’eusse des nouvelles de son fils. Il allait mieux.

— Mon père est ici. Je sors peu. Mais à quatre heures demain, je me rendrai libre. Venez à la briqueterie. Au revoir !

Je la trouvai à l’heure dite. Elle me fit un accueil tendre, mais anxieux, car elle craignait que son père ne survînt. Elle ne pouvait donner que quelques instants à l’amour. Elle ne se dévêtit pas, releva sa robe à la soie craquante, roula les blancheurs de ses dessous, m’entrouvrit sous le pantalon fleuri de dentelle un étroit passage vers sa chair impatiente. Le viol de tout cela, quel délice ! Je ne me décidais pas à partir, et il fallut qu’en m’étreignant elle me ramenât jusqu’au perron. Maître Gorguet séjournerait une semaine encore à Saint-Jean-de-Losne. Elle me pria d’attendre jusqu’à son départ.