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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/112

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Une semaine ! J’allais me rejeter sur Agathe. Je ne me doutais pas de ce qui m’attendait. Un matin, en pissant, je ressentis un picotement insolite. Je ne m’en préoccupai pas outre mesure, vaquai comme d’habitude à mes petites débauches. Le picotement s’accentua, devint brûlure. Le lendemain, la douleur se fit si déchirante que je me retins d’uriner. Je m’inquiétai, fit un intime examen qui me renseigna sur la nature du mal. C’était la chaude-pisse, que je connaissais pour en avoir entendu parler cent fois, tantôt sur un ton de plaisanterie, tantôt comme d’une véritable torture. Un cadeau d’Agathe, qui le tenait de son Bougret ! Je ne lui en dis rien, me contentant d’interrompre mes relations avec elle. Je pensais vaincre la cuisson avec une pommade et j’en fus bientôt détrompé. L’inflammation vénérienne prit en quelques jours une telle virulence que j’en pleurais, serrant les dents pour ne pas crier. Non, en vérité, il ne devait pas y avoir de supplice pire. J’hésitais à en faire confidence à Morizot, un scrupule imbécile me retenant. Je consultai le Manuel de la Santé de Raspail, si populaire. Mon linge taché et mes allures bizarres avaient donné l’éveil à mes parents, mais mon père n’osait rien m’en dire, tant le préjugé du caractère honteux de ces maladies est ancré dans l’esprit des gens simples.

Je souffris secrètement ainsi, me bornant à des soins superficiels. Exaspéré, je finis par me retourner contre Agathe, qui ne s’expliquait pas l’interruption de mes visites. Elle s’étonna de l’accusation. Elle croyait n’avoir que des pertes, un peu d’échauffement, qu’elle soignait avec de l’eau de guimauve. Je jurai que Bougret aurait de mes nouvelles. Elle pleura et je n’insistai pas.

Que devenait Mme Lorimier ? Depuis près de deux semaines elle gardait le silence, et je m’en félicitais. Je m’abstenais de boire la bière ou le vin blanc. Cela me valut de malicieuses observations de Morizot, qu’un soir je renseignai enfin, alors que nous étions seuls à l’auberge. D’abord il en rit, pour me conseiller ensuite de ne pas traiter à la légère ce coup de pied de Vénus, dont je pourrais garder toute ma vie les traces. Il réfléchit un moment, puis :