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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/114

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CHAPITRE HUITIÈME

Au canal de Bourgogne. Poirier et Fifine.
Second retour à Saint-Brice.
Je renoue avec Agathe.
Vision brève de Paris.

J’étais guéri. Cependant ma santé générale n’avait pas été sans pâtir d’un long droguage et d’une demi-diète. J’avais perdu de mon poids. Guéri, je me sentais impatient de reprendre ma vie normale, mais il me fallait compter à ce moment — on arrivait en mai — avec un gros surcroît de travail, mon père ayant accepté de construire toute une flottille de radeaux pour les ponts-et-chaussées. J’en établissais les dessins, j’en calculais les cubes. Consciencieux, je m’y appliquais. Il m’arriva d’oublier nos traditionnelles parties à l’auberge Lureau, dont, il est vrai, l’agrément n’allait pas pour moi sans amertume depuis que je me tenais à l’écart d’Agathe. Peut-être était-elle guérie, elle aussi, mais je ne me souciais pas d’y aller voir.

Je recommençais à trouver insipides les joies de Saint-Brice. Les sourires des femmes et leurs coups d’œil m’en disaient long, mais j’aurais perdu mon temps à prendre au mot leurs singeries engageantes, ma réputation de mauvais garnement n’étant pas pour me faciliter des intrigues qu’il eût fallu secrètes, dans ce village où chacun et chacune espionnait sa voisine et son voisin. Et puis, j’intéressais peu les jeunes filles. Sous un galant elles ne cherchaient qu’un épouseur. Maria Bonbernard elle-même, cette autre amie d’enfance qui, de conserve avec Agathe Lureau, m’avait si souvent fait voir son derrière, me rabroua