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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/184

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CHAPITRE QUATRIÈME

Nouvelles victoires en Italie.
La petite Louisette.
Le capitaine Quincette et sa femme.
Une crise de nerfs qui finit bien.

À Saint-Brice, que de changements en si peu de jours ! Les péniches pleines de munitions, d’équipements, de vivres destinés à l’armée, se succédaient en file indienne aux écluses. Des officiers et des sapeurs du génie logeaient chez l’habitant, et nous avions à la maison le capitaine Quincette en personne, petit rougeaud luisant de pustules, adonné avec excès aux vieilles eaux-de-vie. Il est vrai que l’alcool, paradoxalement, lui avait façonné une âme exquise, toute de douceur et d’aménité. Je crus qu’il allait m’embrasser quand je lui fus présenté par mon père.

— Enchanté, jeune homme. Je tiens à vous déclarer que c’est sous les espèces d’un civil que vous servirez ici, sur les chantiers paternels. Cela vous laissera plus de liberté.

Il me serra vigoureusement les mains. Il prenait ses repas chez nous, avec nous, faisant à notre cave l’honneur de l’apprécier selon ses mérites. Trois ou quatre bouteilles n’étaient pas pour lui faire peur, un coquet flacon de cognac arrosant ensuite son gloria. Mon père, né malin, devait y trouver son profit.

Ce pauvre papa ! Il était temps que je vinsse à son secours, car il succombait sous un fardeau qui dépassait un peu ses moyens. Il se couchait à minuit pour reparaître dès cinq heures sur les chantiers, où scies, marteaux,