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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/215

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sans inauguration joyeuse. J’étais seul. Par bonheur j’avais un surcroît de travail qui m’assurait contre l’ennui : aux copies théâtrales, l’éditeur Marchant ajoutait des copies littéraires. Je débrouillais les élucubrations cursives de quelques feuilletonistes obscurs.

Je pus faire venir Jeanine à cette nouvelle chambre, mon déménagement étant ignoré. Mais je ne l’y reçus pas longtemps, son père la pressant, s’irritant de ses réponses évasives. Elle céda plus tôt que je n’aurais cru, et ce ne fut même pas par elle que je l’appris. Elle n’était pas venue de toute une quinzaine quand, un soir assez tard, comme je me rendais au café Belge, je me trouvai devant Pauline Maillefeu, qui descendait la rue Dauphine. Je lui dis bonsoir ; elle s’arrêta.

— On ne vous voit plus. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ce que cela voulait dire, elle le savait aussi bien que moi, la sacrée garce. Je répondis que j’avais beaucoup d’occupations.

— Vous savez que Jeanine se remarie ?

Je ressentis un petit choc, mais je tins bon. Oui, je le savais. Du moins, j’étais renseigné sur certain projet de mariage.

— Elle était encore ma belle-sœur, elle ne sera plus rien pour moi, reprit-elle aigrement, ajoutant qu’heureusement il y avait le petit.

— Revenez nous voir, ça nous fera plaisir, conclut-elle en me serrant la main, s’apprêtant à poursuivre sa route.

— Vous rentrez ? demandai-je.

— Bien sûr. Je vais me coucher.

Nous étions tout près de la devanture close des « Amis de la Marine ». Pas une lumière. Le corridor de la rue Dauphine était ouvert. Pauline y entra et, comme si elle m’en avait fait l’invite, je la suivis. Elle eut ce mot :

— Ça vous dit donc ?

Je ne répondis pas. J’étais dans l’obscurité de sa chambre ; elle se déshabillait, libérant l’odeur de suint que distillait son sexe. Je me couchai à ses côtés, renouvelai ma saisie bestiale de l’autre fois. Elle jouait vigoureusement sa partie, me serrant à pleins muscles, et je me rebutai si