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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/42

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CHAPITRE QUATRIÈME

Mon portrait. Arrivée de l’oncle Pouchin.
Agathe et sa mère. Mes adieux au pays.

Cependant je prenais de la force, je me développais. J’atteignais les proportions athlétiques de mon père. « Le beau garçon ! » s’était écrié Sidonie. Beau, je veux bien, mais solidement bâti, surtout. Je jonglais avec des poids de quarante livres. Je roulais à la brouette des chargements de débardeur. Mes mains, dont je prenais grand soin, étaient connues pour la rudesse de leurs poignées amicales. L’ovale de mon visage s’éclairait de grands yeux gris ; ma bouche aux lèvres charnues avait ce léger prognathisme qui plaît aux femmes. Rien qu’un semis de moustaches. Des cheveux couleur de châtaigne, qui ondulaient sans aller jusqu’à la niaise frisure. J’étais, pour tout dire, le vrai fils à papa. Chacun célébrait ma bonne mine, et j’entendis un jour une commère, poings calés sur les rognons, jeter à une autre, sur mon passage : « Un vrai poupon d’amour, ce Félicien ! Il trouvera plus d’une garce pour le dorloter. »

Quand on sut à l’auberge Lureau la résolution que j’avais prise, la consternation fut générale. Quoi ? J’allais m’en aller ? Et nos bonnes résolutions ? Et Dijon, ses reines et ses impératrices ? disait l’imaginatif Morizot. Les yeux bovins d’Agathe filtrèrent des larmes. Je dus, pour ramener le sourire sur sa face lustrée, malaxer tendrement son fessier rebondi. Ma verve lyrique se