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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/76

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surgît un fâcheux, le corridor étant précédé d’un escalier dont chaque marche nous eût avertis.

Mme Boulard, qui ne tarda pas, me trouva tout absorbé par les écritures. Je ne vis pas Germaine le lendemain, mais le matin suivant elle se tenait à son poste, caressant le parquet d’un balai nonchalant. La mâtine se frotta contre moi, nue sous sa cotte et me le faisant voir. Fort velue, de chair très brune, elle était agréablement tournée. Je la ramenai sur le fauteuil sans perdre une minute. Je l’eus ainsi, de jour en jour, cinq ou six fois, mais ce trop bref jeu de coq aiguisait mon appétit, et je désirais d’elle un peu plus. Je le lui dis, et à la malice de son œil je compris qu’elle s’attendait à cela.

— Comment c’est-y, chez vous ? Parce que je pourrais peut-être aller vous y voir.

Impossible. L’escalier menant à ma chambre partait de la salle à manger, ce qui ne permettait pas de garder secrète une visite. Puis il y avait Mme Fosson, ma voisine, et bien mince était la cloison qui séparait mon lit du sien.

— Et ta chambre, Germaine ? questionnai-je à mon tour.

— On y va par la cour de la scierie. La porte est à gauche, avec un rideau derrière les vitres. Vous y pourriez venir demain, à la pleine nuit.

— Et pourquoi pas ce soir ?

Embarrassée, toute drôle, elle fit manœuvrer son balai.

— Je me sens un peu lasse. Je souffrais de la tête, hier soir, et j’ai pas dormi mon content.

Je n’insistai pas. Le lendemain matin, l’ayant cochée à la va-vite, je convins du rendez-vous pour le soir. Nous venions de nous défaire quand arriva Mme Boulard, qui achevait le tri du courrier. J’avais une lettre de mon père. Il entrait en bonne dupe dans mes fabuleuses espérances, mais m’engageait à presser la décision du préfet. Il ne voulait pas qu’on pût dire plus longtemps que son fils travaillait aux écritures chez Boulard. Ma tranquillité n’était donc que précaire. Mais, tout à mes nouvelles amours, je me souciais peu d’arrêter ma pensée sur l’avenir.

Je sortis de ma chambre vers dix heures, au manifeste étonnement de ma voisine, qui prenait l’air à sa fenêtre.