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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/85

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auprès d’un bon feu. Et si las que je fusse, en avant la culbute ! Nous ne nous séparions que fort tard, le sommeil nous surprenant parfois corps à corps.

Ce terrible régime n’alla pas sans affecter ma santé, tant robuste fût-elle. Il s’en fallait de quelques mois que j’eusse dix-neuf ans, et à cet âge la formation virile n’est pas complète. J’eus des étourdissements, que précédaient de subites pâleurs. Claire s’en inquiéta, se fit maternelle, me battit des laits de poule, me prépara du vin de quinquina. Deux nuits de suite, elle me contraignit à rester sage, et deux matins j’évitai de rencontrer Germaine. Mais, dès le lendemain, le temps perdu fut amplement rattrapé. Ainsi, entre deux lits s’épuisaient amoureusement mes loisirs. Quelle ne fut pas ma surprise de m’apercevoir que j’en tenais surtout pour Claire, dont l’âge doublait celui de Germaine ! Faire l’amour, c’était pour Germaine un acte si naturel que la pensée de refuser son amusoir ne pouvait lui traverser l’esprit. Elle se donnait d’ailleurs tout entière, prenant à cela le plus franc plaisir. Néanmoins, et sans bien analyser ce sentiment, peut-être aimais-je en Claire un plus adroit mécanisme. Je goûtais la verte fraîcheur de l’une, mais je devais à l’autre, si gourmande de moi, des frémissements de tout mon être. Il m’arriva d’esquiver l’invitation de Germaine pour ne pas écourter ma nuitée avec Claire, qui ne savait quelles preuves charnelles me donner de sa violente passion.

Et les jours filaient. Plus que sept ! Plus que six ! Je commençais sans entrain mes préparatifs. Loin de négliger les écritures de Boulard, je m’appliquais à ne rien laisser d’inachevé derrière moi. J’aurais mérité, ma foi, un certificat d’employé modèle. Mme Boulard, de son côté, se montrait assidue au bureau. Un après-midi que nous travaillions ensemble, elle rapprocha sa chaise de la mienne pour me soumettre un compte, se penchant au point que ses cheveux me frôlèrent. Son visage vultueux devint d’un rouge lie de vin sous la poudre. Elle se pencha plus encore, me fourrant sous le menton ses tétons flasques, d’où montait une odeur de lavande et de benjoin. Sa dextre lâchant alors le livre de caisse, elle refit vers ma braguette