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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/86

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les mouvements d’approche qu’elle avait tentés trois mois auparavant. J’écartai sa main, mais elle la reporta, la mit à l’œuvre de telle façon que, troublé, je l’aurais bien aidée dans son furetage. Elle roulait sa tête sur mon épaule, en cherchant ma bouche. Je n’y tins plus. Tâtant sous la robe, je pris à mains pleines l’anguleux derrière, et, amenant à moi Mme Boulard, je l’affourchai sans plus de formes. Elle ne demandait que ça. Ses trémoussements, ses gloussements, m’en apportèrent l’assurance. L’épilogue ne traîna point. Elle me bécota de quelques petits coups secs, se défripa et, légère, s’élança hors du bureau.

L’aventure me dégoûtait un peu, mais je finis par la trouver drôle. Je m’expliquais la réserve de Mme Boulard en ces trois mois par le souci bien bourgeois de ne pas se créer une situation embarrassante en devenant la maîtresse de son comptable. L’imminence de mon départ la libérant de cet aria, elle n’avait plus eu de scrupules. Elle reparut une heure après, sans montrer l’ombre d’une gêne, revint s’asseoir auprès de moi et, rouvrant le livre de caisse, y chercha le compte qu’elle avait à me signaler. Le soir, je me rendis chez Germaine. Je lui contai ce qui m’était arrivé et la petite garce en rigola tout son soûl.

Je me gardai de faire la même confidence à Claire, qui n’en eût certainement pas ri. Sa peine devenait plus silencieuse à mesure qu’approchait l’heure de la séparation. Quelquefois elle me caressait chastement, se refusant à l’acte, disant qu’il était mieux qu’elle m’aimât ainsi. Mais cette réserve m’excitait au pire. Je lui faisais violence, je l’arrachais à sa volonté de refus, et la femme qu’alors je meurtrissais se transformait en furie, m’emportait et m’abattait à son tour. Nous eûmes des nuits de véritables luttes. Je l’injuriais, je menaçais de la frapper. Elle gémissait : « Laisse-moi ! Va-t-en ! » Une minute ne s’était pas écoulée qu’elle bouleversait le lit, s’ingéniait à faire de nos chairs un clavier de luxures. Je sortais de ces mêlées dans un tel état d’épuisement nerveux qu’au bureau, après quelques instants de travail, les lettres et les chiffres dansaient devant mes yeux une sarabande multicolore. Je n’en voyais pas moins Germaine qui, sur