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Page:Fargèze - Mémoires amoureux, 1980.djvu/87

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le fauteuil ou dans sa chambre, était pour moi presque un repos.

Dieu ! Que le temps fuyait vite ! Plus que trois jours ! Ma passade avec Mme Boulard datait de l’avant-veille, et, depuis, la dame à la main patineuse avait repris son amabilité distante. L’expérience l’avait déçue, sans doute. Je m’étais appliqué si mal à la satisfaire ! Pour moi, le souvenir que je gardais de ma pénétration accidentelle n’était pas assez vif pour me porter à quelque démarche. Cependant, je me sentais comme humilié de ne pas tenir plus de place en sa pensée, après cette secouée intime. Je la voyais aller, venir, s’asseoir, se lever, se pencher vers moi, non dans une intention d’invite, mais simplement pour me remettre des lettres ou des factures. L’étrange femelle ! À un moment, agacé, excité peut-être aussi par cet agacement même, je m’avisai de passer ma main entre ses fesses, non sous la robe, mais dessus. Elle ne protesta pas, et fit bien, car je ne lui aurais pas ménagé la riposte. Elle s’en alla vers le corridor et je la suivis, pelotant toujours. « Soyez sage, finissez », me dit-elle mollement, comme elle eût dit : « Il pleut ». Je continuais de peloter, occupant mes deux mains et retroussant les jupes. Elle se retourna, m’embrassa. « Nous sommes seuls, fit-elle. Venez dans ma chambre. » Mais la perspective d’un long tête-à-tête n’était pas pour me séduire. « Venez », répéta-t-elle. Pour toute réponse je la fis virer et, la prenant à cul, j’expédiai mon affaire. Elle me parut vexée, s’éloigna sans dire un mot de plus.

Je repris mon travail. Je riais, songeant au rire de Germaine quand je lui raconterais ce culage expéditif. J’avais à répondre à plusieurs lettres, reçues par Boulard dans la matinée. Je les relus posément. Soudain, je tressaillis : l’une des lettres était d’un marinier. De passage à Orléans avec son bateau, il demandait qu’on lui fît tenir sa facture, pour des balises que lui avait livrées Boulard. Et il signait : « Isidore Caplin, patron de la Brise-de-Mai. »

Caplin ! Le père d’Hubertine ! Hubertine ! Hubertine ! Je ressentis un choc. Je me dressai. Hubertine ! Hubertine ! Abandonnant mes paperasses, j’empoignai mon chapeau,