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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/121

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nard. Le jeune homme fut tué quelque part en novembre 1914. Quant à la demoiselle, il lui fut impossible de s’arracher aux fantômes du Jardin des Plantes. Elle s’est mariée, et chasse, dit-on… Peut-être envoie-t-elle de temps à autre quelque mammifère d’espèce assez peu répandue au quartier parisien où se déroulèrent ses premières amours…

Depuis ce temps, il ne se passe guère de saison que je n’aille dîner, seul ou avec de respectables amis, dans ce paysage limité par les quais Saint-Bernard et d’Austerlitz, et qui s’honore, outre le Jardin, d’une mosquée, d’un amphithéâtre gallo-romain qui date du temps d’Hadrien, d’une gare délaissée, d’un hôpital, de murs d’école et d’églises singulières. « L’autobus » Place Pigalle-Halle aux Vins dépose, dans ce silence tout provincial, des dans de Montmartre en vadrouille sentimentale, et des bourgeois de la rue des Martyrs qui veulent changer d’air. La plupart de ces touristes sont attirés ici par des promesses de vins de choix. Il est assez curieux et poétique que l’Entrepôt occupe aujourd’hui l’emplacement qui fut autrefois quasi réservé, par définition, aux édifices religieux. On peut même se demander ce que fait tout ce liquide dans un quartier que tout semblait disposer à l’austérité : l’Abbaye de Saint-Victor, où fréquentèrent Pierre Abélard, saint Bernard et saint Thomas de Cantorbéry, un couvent de Bernardins devenu caserne de sapeurs-pompiers, une chapelle dédiée à saint Ambroise… Autrefois, on chantait à cet endroit de