Aller au contenu

Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marchait sur les nougats ?… Et quand il éternuait ? C’est plus des côtes, c’est des skis !… Des skis ? T’es pas fou, c’est des mâts ! etc… » Et la plupart des visiteurs, loin d’être jetés dans l’impression de Création du Monde qui bout encore en cette nostalgie d’ossements, plaisantent pâteusement, la langue lourde, et courent s’emboîter les uns dans les autres dans quelque cinéma sudorifère où triomphe aujourd’hui la métaphysique du médiocre.

Moi et quelques autres, nous restons là, devant le Diplodocus, à rêver à la taille des herbes qu’il foulait, à la quantité de l’oxygène tout frais dont il se gonflait comme un zeppelin — encore qu’il ne s’agisse ici que d’une copie, du fantôme d’un fantôme : le vrai diplodocus, celui de vingt-sept mètres, se trouvant au musée de Pittsburg. Celui de Paris n’est qu’un moulage. Quelques vibrations manquent ainsi, et les âmes douées d’une sensibilité particulière ne se sentent point bombardées par les atomes de présence et de vie dont chaque chose dispose par millions…

Selon certains savants, les diplodocus étaient bêtes comme des camions : nuit et jour ils pataugeaient dans une boue phosphorescente d’où montaient des fusées comestibles… Puis, tout couverts de goémons moirés et de fientes verdâtres, ils s’en allaient galoper sur un gazon ravissant qu’ils ont esquinté, gazon que nous appelons aujourd’hui Montagnes Rocheuses.

Le Diplodocus interrogé, scruté, vidé de sa